Un de mes bons amis, excellent instituteur, se plaint du niveau des stagiaires qu’il accueille dans sa classe. Hélas, le phénomène n’est pas nouveau, mais il a tendance à s’aggraver.
Je me souviens d’un instituteur d’une école de Nivelles, qui, au début des années 60, nous accueillait pour nous donner des leçons "modèles" (à l’époque, un régent pouvait aussi enseigner à l’école primaire, en cas de besoin). Ce maître nous était décrit comme un excellent enseignant.
Un jour, il nous expliqua, devant ses élèves, qu’on acquérait mieux l’orthographe si l’on groupait les problèmes. En quoi il n’avait pas tort. Il avait donc écrit au tableau :
gâteau, château, râteau
Puis il dit à ses élèves de retenir que le brave jardinier du château, quand il avait fini de s’occuper des allées avec son râteau, avait droit à un morceau de gâteau.
Pourquoi pas ?
Précisant que le châtelain avait un bateau, il y ajouta ce mot, qu’il surmonta d’un accent circonflexe. Plouf ! Comme il passait près de moi, je lui glissai à l’oreille que bateau n’avait pas de chapeau. Il hésita, fronça les sourcils puis effaça l’embarcation.
Ouf ! Les élèves n’avaient pas encore eu le temps de graver la faute dans leur cerveau.
Un autre jour… L’inspection insistait, à cette époque, sur la nécessité de faire des "leçons de choses". Bon disciple, le maître avait apporté un morceau de grès, qu’il fit passer de banc en banc. Bonne idée. Moins bonne idée d’écrire ensuite au tableau "au grès du vent".
Cette fois aussi, je vins à son secours. Mais il se contenta de hausser les épaules, laissant l’expression au tableau, tandis que je me demandais comment un morceau de grès pouvait voler dans le vent…
Des années plus tard, invité comme écrivain dans une classe qui avait lu un de mes textes, je vis avec effroi l’institutrice écrire au tableau :
J’ai achetée une horloge.
Je lui fis signe de venir près de moi et lui signalai la faute. Elle se mit à rire, retourna près du tableau et dit à la classe :
– Ah ah ah ! Monsieur Raucy croit que j’ai fait une faute. Il ne pense pas que le pronom j’ peut représenter une femme.
Ben voyons !
vendredi, 30-04-2021 à 5:11
Très cher Claude, ces anecdotes nous expliquent précisément, si besoin encore était, une des raisons pour lesquelles l’enseignement est chez nous au plus bas, c’est-à-dire au plus médiocre. Merci de me l’avoir encore rappelé.
vendredi, 30-04-2021 à 5:33
Les instituteurs qui m’ont appris les rudiments des savoirs nécessaires étaient, de la première à la sixième primaire, des gens de talent et qui avaient une orthographe et une manière de calculer de haut niveau. Ils étaient tous réputés, et méritaient le respect, voire l’admiration.
Quelques années avant que je ne parte à la retraite, le fils d’une de mes collègues a obtenu son diplôme d’instituteur, avec un 60% un peu forcé. J’ai pu lire un texte de 3 pages écrit de sa main. Quand j’ai dit à la maman que je comptais 14 fautes, elle m’a répondu qu’ils avaient droit, dans les dictées qu’on leur soumettait en vue du diplôme, à cinq fautes par pages. Vrai ou pas vrai, je ne l’ai pas vérifié. Mais j’étais horrifié de savoir que ce garçon allait enseigner les premières bases à de jeunes élèves… Si je fais encore des fautes? Oui, je l’avoie. Je voudrais que l’on supprime définitivement le trait d’union qui entre dans certains mots composée et pas dans d’autres. Mais je vais souvent demander conseil à un dictionnaire. J’espère que l’instituteur que j’évoque a pris et inculqué cette habitude à ses pupilles…
Outre l’orthographe, qu’on néglige tristement, la mémoire n’est plus sollicitée, entraînée non plus. Quel besoin de retenir tant de choses que l’ordinateur connaît pour nous. Ben tiens!
lundi, 3-05-2021 à 10:12
Bonjour Claude,
Cet article reflète bien la réalité. Je rejoins ton ami Fabien qui souligne le niveau de l’enseignement qui, chez nous, est au plus bas. Les exigences des écoles normales sont à la baisse par manque de candidats, mais également à cause du niveau des étudiants… Triste constat, triste futur, triste société.